Cet article a été écrit dans le cadre d’un concours organisé par Intel auquel Android-France.fr participe. Toutes ces réflexions n’engagent donc que moi et je suis tranquillement assis sur ma chaise avec un café et non dans une salle obscure avec le tranchant d’un processeur sous la gorge.
Chers lecteurs, le dimanche est un jour creux pour les nouvelles et internet devient un lieu ennuyeux à mourir. Alors on travaille, on bricole, on joue pour les plus gamers d’entre nous… mais voilà, vous pourrez aussi consacrer quelques minutes à la lecture de cet article. Tenez, d’ailleurs, vous le lisez d’où ? Un navigateur sur votre smartphone ? Firefox ? Google Chrome ? Notre application dédiée ? Un widget sur votre bureau ?
Et c’est sur ce simple constat digne d’une introduction maladroite d’un lycéen lors de sa première dissertation de philosophie que je peux entrer dans le vif du sujet : aujourd’hui, les applications ne se limitent plus à ce qu’on appelait autrefois pendant feu le XXe siècle, des “logiciels”. Si on regarde en arrière, on s’aperçoit que la première “webapp” multiplateforme n’est rien d’autre que le site internet en soi : consultable depuis n’importe quel navigateur sur n’importe quelle machine, pour peu que cette dernière soit raccordée au réseau.
Mais depuis qu’internet existe, les sites se sont tellement distingués qu’il a fallu créer de nouvelles catégories, de nouveaux programmes, pour rendre la navigation plus intuitive. Tenez, prenez Firefox. On peut l’utiliser sur à peu près n’importe quelle plate-forme de nos jours et beaucoup d’entre nous n’arrivent pas à passer à Chrome ou à Opéra pour une simple et bonne raison : nos “modules” préférés ne sont pas disponibles ailleurs.
Et quand Xmarks va fermer, on va faire comment nous, hein ?
Firefox aurait alors préfiguré avec ses extensions ce que seront plus tard les applications web multiplateformes. Un seul but était visé : répondre aux besoins de l’utilisateur en lui permettant de personnaliser sa façon de naviguer sur internet, et ce, non pas à l’aide de programmes tiers, qui auraient à coup sûr tous été des .exe inutilisable en dehors de Windows, mais au moyen d’extensions du navigateur, programmées pour lui. Belle démocratisation du multiplateforme, n’est-ce pas ?
Mais avançons un petit peu dans le temps pour arriver à l’ère des smartphones, ouverte pas Apple et son iPhone. Le terme “application” a commencé a émerger dans le langage courant, par le biais des pubs et du bourrage de crane marketing. On clamait haut et fort que sur l’iPhone, quoi qu’on puisse vouloir faire, “il y avait une application pour ça”. Apple a, comme à son habitude si j’ose dire, enfermé les applications sur sa plate-forme en imposant aux développeurs un format propriétaire et une distribution limitée par iOs et iTunes. Adieu donc le multiplateforme, place à l’exclusivité.
Android-France devient interactif : si vous voulez aider le monsieur jaune, cliquez sur l’image.
Ce fut un constat simple pendant longtemps : si vous vouliez un smartphone, il vous fallait un iPhone, et si vous vouliez que des utilisateurs utilisent vos applications, il fallait les développer sur iOs. Très bon coup marketing, mais c’est aussi peut-être ce qui rend aujourd’hui les développeurs si frileux à l’idée de programmer leurs applications pour un autre système. Et pourtant, on ne peut que constater que la donne a changée : Android a débarqué avec ses gros sabots et grimpe à une allure folle dans les parts de marché. S’ouvre alors l’ère des portages et d’un re-nouveau multiplateforme poussé par la concurrence. Et oui, parfois le capitalisme libère !
Nom nom nom, moi aussi quand je serai grand j’aurais 10000 boîtes à prout et 40000 fonds d’écran animés !
Les développeurs sous iOs ne sont heureusement pas bornés, et comprennent de plus en plus que le succès de leur application passe par sa mise à disposition pour un grand nombre de systèmes. Regardez Angry Birds : un succès sur iPhone, un autre succès sur Android. Une bonne application n’a pas à craindre une sortie en grande pompes en dehors de l’univers Apple. Certains l’ont très bien compris, prenez Lynkee par exemple, testé sur ces pages il y a quelques mois : vous trouverez l’application sur Android et iOs, mais aussi sur RimOS, Symbian, Bada… C’est un fait : la volonté du développeur d’application mobile serait seule maîtresse de l’avenir du “multiplateforme”.
Maintenant, il faut tenter l’expérience avec un jeu payant pour voir s’il atteint les mêmes chiffres.
Serait, oui serait, belle analyse grammaticale, c’est un conditionnel. Parce que plus récemment encore, un autre concurrent est entré dans l’arène, ou plutôt une autre catégorie de concurrent : celle des WebApps au sens propre. Si vous êtes arrivés jusqu’ici, c’est que vous avez lu les paragraphes précédents. Imaginez maintenant que l’on condense en un seul concept la portabilité, la compatibilité, la personnalisation et les fonctions ajoutées d’une application. Voilà ce qu’on appelle une Webapp. Et c’est peut-être le véritable avenir de la démocratisation du geste apparu au XXIe : “installer une application”.
Car vous ne le savez peut-être pas chers lecteurs, mais les utilisateurs de smartphone qui installent des applications sur leurs jouets sont plus ou moins minoritaires selon la plate-forme. Etonnant, hein ? D’ailleurs, il n’y a souvent pas de juste milieu : soit on n’installe rien ou très peu, soit on est un gros consommateur qui va aller chercher ce qui se fait de neuf toutes les semaines. Un autre fait éclairant pour comprendre le beau potentiel des webapps : en règle général, les utilisateurs préfèrent les versions mobiles des sites à leur application.
Et parfois même, les versions mobiles sont plus claires et plus rapides sur des navigateurs traditionnels…
Cela se comprend : les versions mobiles sont accessibles très facilement, s’enclenchent automatiquement, et permettent souvent d’utiliser toutes les fonctions de l’application au sein même du navigateur intégré. C’est là que l’on voit tout le potentiel d’une webapp : imaginez-vous sur votre PC ou votre Mac, parcourant le Market de votre navigateur et installant les applications de votre choix : bureautique, jeux, météo… toutes codées pour s’intégrer à vos pages et pour être toujours à portée de la main. Ensuite, vous passez sur votre télé connectée et retrouvez ces applications sur ce même navigateur, adaptées automatiquement au format de l’écran. Enfin, c’est dans votre poche que la boucle serait bouclée : en déplacement, nul besoin de changer vos habitudes, ouvrir votre navigateur mobile suffirait.
En lisant ces quelques lignes, on pense évidemment à Chrome et son fameux Chrome Webstore. Cette bibliothèque d’application proposera aux utilisateurs de disposer d’un nombre de fonctionnalités, seulement limité par l’imagination des développeurs et disponibles de Chrome à ChromeOS en passant par Android ou Google TV. Mais Google ne s’arrête pas là. Comme le précise la FAQ, les applications seront développées avec des “standards” du web, c’est-à-dire que n’importe quel navigateur moderne sera capable de les faire tourner.
La présentation du Chrome Webstore en Mai. On l’attend toujours.
Et c’est là qu’on touche un point fondamental de la Webapp du futur : elle n’est plus installée sur votre PC ou votre Mac et ne dépend même plus de votre configuration. Tout se passe, comme on dit, “dans les nuages”. Le “cloud computing”, étape ultime de la dématérialisation permet de stocker les données et les installations d’exécutables sur des serveurs distants, l’utilisateur n’ayant que devant lui l’interface dont la vitesse d’affichage ne dépendra que de sa connexion internet. Et on voit le progrès quand votre TV reliée à une Box fait tourner les mêmes programmes que votre PC dernier cri.
Récemment, HP a ouvert la voie à une utilisation tierce de ce principe avec son ePrint : depuis n’importe quel client mail, smartphone inclus, envoyez un message, avec ou sans photo, à l’adresse de votre imprimante (non, vous n’aurez pas l’adresse de mon imprimante), et l’interface distante d’HP se chargera d’envoyer les instructions à celle-ci pour lancer l’impression, même si votre ordinateur est éteint.
Publicité non mensongère : l’imprimante est un véritable nid à poussière.
On peut imaginer un nombre incroyable d’applications à ce principe : lancer l’enregistrement d’un film depuis le bureau, consulter et éditer ses documents depuis n’importe quel smartphone, jouer à des jeux récents sur un ordinateur d’entrée de gamme qui ne recevrait que le rendu calculé par un serveur à quelques kilomètres… certes, tout cela arrive ou est en cours d’expérimentation. Mais pourquoi pas une intégration dans les voitures ? Et dans les maisons, par la domotique ? S’il suffit d’un navigateur, une tablette peu onéreuse avec un bel écran ferait l’affaire.
Bonjour. Je suis votre nouveau combo cuisine-frigo Ikea. Je viens accidentellement d’ouvrir le gaz et de fermer les fenêtres. La maintenance prendra 52 heures, veuillez patienter…
Vous rêvez ? Revenez sur terre : ce sont deux limites techniques qui décideront finalement de l’avenir des Webapps. D’un côté, il faudra que les fabricants de processeurs repensent leurs bijoux de technologie, d’une part pour équiper les serveurs qui en auront bien besoin, d’autre part pour que le processeur de l’utilisateur final aide à l’accélération de ces applications, puisqu’il ne sera pas utilisé pour calculer leur exécution. D’un autre côté, il faut de la bande passante. Beaucoup de bande passante. Enormément de bande passante. Je ne suis pas un spécialiste des télécoms, mais quand je vois qu’en plein coeur de Paris, ma NeufBox peine à dépasser les 200ko/s un tiers du temps, qu’il m’est impossible de télécharger un jeu sur Steam et d’uploader des photos pour cet article en même temps, et que je dois par moment attendre qu’une vidéo sur Youtube soit chargée pour la lancer, que je me rends compte qu’il y a vraiment décalage entre le possible et le réel. C’est peut-être bien pour cette raison qu’une plate-forme hybride comme Jolicloud reste aujourd’hui plus séduisante qu’un “tout connecté” comme ChromeOS.
Descartes disait au XVIIe que nous faisions des erreurs parce que notre imagination était infinie et notre entendement limité. Espérons qu’au XXIe siècle, la technique ne limitera pas longtemps les possibilités infinies des Webapps…
Julien, pour Android-France.fr, dans le cadre du concours organisé par Intel.